Les pourboires en restauration
Un déclin générationnel et culturel
Il est important de noter que le déclin des pourboires en France n’est pas simplement le résultat d’une évolution des mentalités, mais aussi d’un changement culturel lié à des facteurs générationnels et économiques. Les pourboires sont traditionnellement perçus comme un geste de gratitude spontanée, et ce sont principalement les générations âgées de 50 à 60 ans qui maintiennent encore cette habitude. Cependant, pour les jeunes générations, laisser un pourboire n’est plus un réflexe. Cela ne reflète pas nécessairement une insatisfaction vis-à-vis du service, mais plutôt une transition vers d’autres formes d’appréciation ou une simple adaptation à un environnement où l’argent liquide circule de moins en moins.
En France, le service est inclus dans la note, représentant environ 15% du montant total. Cette pratique, ancrée dans la culture française, réduit l’incitation à laisser un pourboire. Contrairement aux États-Unis, où le pourboire est une obligation sociale et économique pour les serveurs, les Français voient le pourboire comme un extra, une marque de reconnaissance pour un service exceptionnel plutôt qu’une norme.
Les effets de la dématérialisation des paiements
Depuis quelques années, l’essor du paiement via des applications spécialisées tend à modifier la pratique du pourboire.
En effet, d’après une étude du CSA publiée par la fintech Lyf, 35 % des Français affirment que le manque d’argent liquide est le principal frein au pourboire. De plus, 68 % des Français se disent ouverts au pourboire dématérialisé, car cela permet de donner la somme de leur choix sans contrainte d’argent liquide.
C’est pourquoi de nouvelles solutions sont apparues sur le marché, comme le pourboire intégré au terminal de paiement ou l’utilisation de QR codes.
Par exemple, en 2021, la startup Sunday a mis en place des QR codes permettant de payer en ligne avec une fonctionnalité spécifique pour ajouter un pourboire. Certains terminaux de paiement électroniques (TPE) proposent également directement au client d’ajouter un pourboire de 10 %, 15 % ou 20 % de la note. Ce modèle a été largement adopté, notamment chez des enseignes comme Brique Machine.
Une rémunération variable pour le personnel
La raréfaction de la pratique du pourboire n’est pas sans incidence sur les métiers de salle et leur attractivité.
Pour tenter de redonner un souffle à cet usage, Emmanuel Macron a décidé en 2022 de défiscaliser le pourboire donné par carte bancaire, afin de renforcer l’intérêt pour cette profession, en grande pénurie de main-d’œuvre depuis plusieurs années.
Cette mesure divise toutefois les restaurateurs. Si certains saluent une pratique adaptée à la disparition des espèces, d’autres estiment que le pourboire par carte bancaire est trop impersonnel, alors que l’argent liquide favorise un contact supplémentaire avec le client.
En revanche, la démocratisation des pourboires ne veut pas dire proposer des salaires fixes plus bas pour les employés. Plus qu’un revenu variable, ils doivent plutôt devenir un levier de challenge pour améliorer le contact et la satisfaction client.
Cette problématique rappelle le cas des États-Unis, où l’inflation pousse certains clients à ne plus « tipser » systématiquement, laissant une partie des employés avec une baisse de revenus importante.
Vers une indemnisation plus juste ?
Lorsque le pourboire a fait son apparition en France au XIXe siècle, les clients choisissaient de donner un peu plus de monnaie pour bénéficier d’un service plus rapide ou plus soigné. Aujourd’hui, il reste une récompense symbolique, en signe de satisfaction pour la prestation globale.
Aux États-Unis, en revanche, le système est différent : le pourboire, bien que non obligatoire, est une norme sociale forte, imposant de laisser une somme correspondant à 15 % ou 20 % de la note. Cette pratique interroge l’impact du pourboire sur le service : si le salaire du personnel est garanti, le pourboire perd sa fonction d’expression de satisfaction.
Les conséquences pour le client et son expérience
Lorsque les clients règlent leur addition à l’aide d’un terminal de paiement spécifique comme Sunday, l’option du pourboire est souvent présentée directement à l’écran.
Ce moment, habituellement privé, devient alors un acte public. Les clients se retrouvent face à une décision immédiate : choisir un montant de pourboire qui reflète leur satisfaction tout en étant observés par le personnel ou d’autres clients potentiels. Cette visibilité peut générer une pression psychologique, car ils peuvent ressentir une obligation implicite de laisser un pourboire, même si le service n’a pas été satisfaisant.
Ainsi, l’essor du pourboire dématérialisé constitue une évolution intéressante, car il redynamise une pratique en déclin tout en s’adaptant aux nouvelles habitudes de consommation. Pour faire face au manque de liquidité, les solutions numériques telles que les QR codes et les pourboires intégrés aux terminaux de paiement offrent de nouvelles perspectives.